Livre choc sur les médicaments : pourquoi faire de l'argent sur la santé publique ?
Le "Nouvel Observateur" publie cette semaine un guide des médicaments utiles, inutiles ou dangereux, dans le cadre de la sortie du livre choc de Philippe Even et Bernard Debré. Très mobilisé sur les questions de santé, notre contributeur Philippe Costes a voulu réagir sur la pertinence de l'ouvrage.
Site de production de médicaments du laboratoire Servier, Gidy-la-Forêt
"Plus d’un médicament sur deux serait inutile voire même inefficace, 20% de mal toléré, 5% potentiellement dangereux" et, fait incroyable, "75 % sont remboursés par la sécurité sociale." C’est ce que révèle le livre choc écrit à deux mains par nos deux éminents spécialistes (c’est ainsi que la profession les présente).
La gabegie médicamenteuse de la France
La France est au second rang européen des pays gros consommateurs de médicaments et nul doute que bon nombre de nos concitoyens vont se ruer dans les librairies pour prendre connaissance de ce que depuis plusieurs mois voire années beaucoup soupçonnaient, notamment depuis l’affaire du Médiator. Pour exemple, le Danemark a un catalogue de médicaments bien plus restreint que celui de la France, qui en compte 4.000 ! Et en y regardant de près, nos amis Danois ne sont pas forcément en mauvaise santé, semble t-il !
Les responsabilités sont nombreuses : certains n’hésitent pas à pointer du doigt l’usager lui-même pour se défausser encore une fois, ce n’est pas ainsi que l’on mettra de l’ordre dans un système qui n’est plus d’évidence au seul service de celui qui du statut de "patient" est appelé aujourd’hui communément un "client".
Depuis des années, le lobbying pharmaceutique et l’incapacité de nos responsables de réformer en profondeur un système qui creuse de plus en plus le déficit de la Sécurité sociale est incompréhensible… Notre gouvernement cherche 30 milliards pour boucler le budget 2013 ? Et bien par ce biais, il pourrait faire des économies conséquentes. Depuis l’affaire du Médiator, les politiques nous ont concocté de petites mesures indolores, mais n’ont pas voulu s’attaquer au cœur du problème. L’industrie pharmaceutique se porte bien, il n’en est pas de même du citoyen.
Lorsqu’un laboratoire pharmaceutique sort un nouveau médicament (nouvelle molécule plus performante, dixit ces mêmes laboratoires) celui censé être remplacé et bien souvent jugé inadapté n’est même pas retiré du marché, si cela continue, dans 10 ans ce sont plus de 10.000 médicaments qui seront recensés dans les officines.
Un livre désintéressé, vraiment ?
Sans remettre en cause le fond et la forme du livre - je ne fais pas partie de la grande famille de ces deux auteurs -, ce qui est gênant c’est la façon dont, au travers de ses révélations bien tardives, ces messieurs font le buzz. Il est vrai aussi qu’avançant dans l’âge ils se sentent plus libres aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier (leur carrière est derrière eux), et cela est bien dommage.
Depuis l’affaire du Médiator, les professeurs Debré et Even se sont présentés comme de bons samaritains dénonçant la position de l'industrie pharmaceutique et l’incohérence de nos institutions censées vérifier la qualité et l’efficacité des médicaments mis sur le marché.
Les voilà maintenant qui passent à la vitesse supérieure : pour notre bien ou pour leurs portefeuilles ? Monsieur Debré est député, mais aussi professionnel de santé comme pas mal de ses confères dans l’hémicycle. Il a fait un choix ; celui de servir ses concitoyens, alors pourquoi faire un livre plutôt qu’un rapport public mis à la disposition de tous ? Pourquoi vouloir monnayer ce qui relève d’un grave problème de santé publique ?
Dans notre époque, le bon samaritain n’a plus la même signification, tout malheureusement se monnaye, et cela rend "malades" certains concitoyens qui ne savent plus à qui se vouer. Il serait temps qu’un changement s’opère maintenant dans la transparence totale pour sortir enfin de ces non-dits en matière de santé.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/626443-livre-choc-sur-les-medicaments-pourquoi-faire-de-l-argent-sur-la-sante-publique.html
Le "Nouvel Observateur" publie cette semaine un guide des médicaments utiles, inutiles ou dangereux, dans le cadre de la sortie du livre choc de Philippe Even et Bernard Debré. Très mobilisé sur les questions de santé, notre contributeur Philippe Costes a voulu réagir sur la pertinence de l'ouvrage.
Site de production de médicaments du laboratoire Servier, Gidy-la-Forêt
"Plus d’un médicament sur deux serait inutile voire même inefficace, 20% de mal toléré, 5% potentiellement dangereux" et, fait incroyable, "75 % sont remboursés par la sécurité sociale." C’est ce que révèle le livre choc écrit à deux mains par nos deux éminents spécialistes (c’est ainsi que la profession les présente).
La gabegie médicamenteuse de la France
La France est au second rang européen des pays gros consommateurs de médicaments et nul doute que bon nombre de nos concitoyens vont se ruer dans les librairies pour prendre connaissance de ce que depuis plusieurs mois voire années beaucoup soupçonnaient, notamment depuis l’affaire du Médiator. Pour exemple, le Danemark a un catalogue de médicaments bien plus restreint que celui de la France, qui en compte 4.000 ! Et en y regardant de près, nos amis Danois ne sont pas forcément en mauvaise santé, semble t-il !
Les responsabilités sont nombreuses : certains n’hésitent pas à pointer du doigt l’usager lui-même pour se défausser encore une fois, ce n’est pas ainsi que l’on mettra de l’ordre dans un système qui n’est plus d’évidence au seul service de celui qui du statut de "patient" est appelé aujourd’hui communément un "client".
Depuis des années, le lobbying pharmaceutique et l’incapacité de nos responsables de réformer en profondeur un système qui creuse de plus en plus le déficit de la Sécurité sociale est incompréhensible… Notre gouvernement cherche 30 milliards pour boucler le budget 2013 ? Et bien par ce biais, il pourrait faire des économies conséquentes. Depuis l’affaire du Médiator, les politiques nous ont concocté de petites mesures indolores, mais n’ont pas voulu s’attaquer au cœur du problème. L’industrie pharmaceutique se porte bien, il n’en est pas de même du citoyen.
Lorsqu’un laboratoire pharmaceutique sort un nouveau médicament (nouvelle molécule plus performante, dixit ces mêmes laboratoires) celui censé être remplacé et bien souvent jugé inadapté n’est même pas retiré du marché, si cela continue, dans 10 ans ce sont plus de 10.000 médicaments qui seront recensés dans les officines.
Un livre désintéressé, vraiment ?
Sans remettre en cause le fond et la forme du livre - je ne fais pas partie de la grande famille de ces deux auteurs -, ce qui est gênant c’est la façon dont, au travers de ses révélations bien tardives, ces messieurs font le buzz. Il est vrai aussi qu’avançant dans l’âge ils se sentent plus libres aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier (leur carrière est derrière eux), et cela est bien dommage.
Depuis l’affaire du Médiator, les professeurs Debré et Even se sont présentés comme de bons samaritains dénonçant la position de l'industrie pharmaceutique et l’incohérence de nos institutions censées vérifier la qualité et l’efficacité des médicaments mis sur le marché.
Les voilà maintenant qui passent à la vitesse supérieure : pour notre bien ou pour leurs portefeuilles ? Monsieur Debré est député, mais aussi professionnel de santé comme pas mal de ses confères dans l’hémicycle. Il a fait un choix ; celui de servir ses concitoyens, alors pourquoi faire un livre plutôt qu’un rapport public mis à la disposition de tous ? Pourquoi vouloir monnayer ce qui relève d’un grave problème de santé publique ?
Dans notre époque, le bon samaritain n’a plus la même signification, tout malheureusement se monnaye, et cela rend "malades" certains concitoyens qui ne savent plus à qui se vouer. Il serait temps qu’un changement s’opère maintenant dans la transparence totale pour sortir enfin de ces non-dits en matière de santé.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/626443-livre-choc-sur-les-medicaments-pourquoi-faire-de-l-argent-sur-la-sante-publique.html