MEDICAMENTS DANGEREUX. Certains de mes patients âgés sont devenus accros aux somnifères
LE PLUS. 50 % des médicaments sont inutiles, 20 % mal tolérés et 5 % "potentiellement très dangereux" : c'est le constat accablant dressé par les Pr Even et Debré. Dans certains cas, le médicament, comme les somnifères, peuvent entraîner une toxicomanie. Comment gérer ces cas délicats ? Explications avec Doc O, médecin généraliste
Les somnifères, un médicament qui peut se révéler dangereux chez les personnes âgées
SANTÉ. En matière de médicament inutile et dangereux, les somnifères peuvent poser de graves problèmes. Ce médicament favorise les chutes et pour une personne âgée, ça peut être catastrophique, avec des fractures du col du fémur par exemple.
De la toxicomanie au chantage affectif
Or les somnifères peuvent entrainer une dépendance chez les personnes âgées. A l'hôpital, pour ne pas déranger le personnel la nuit, on en donne aux personnes âgées, qui deviennent accros. Et là, ça devient très difficile de refuser ce médicament qu'elles viennent réclamer à leur médecin traitant.
Quand une vieille dame m'en demande (parce qu'en général ce sont des femmes), je commence par refuser mais elle proteste. "Vous comprenez docteur, je ne dors pas la nuit... Je ne pourrai pas voir ma fille car je serai fatiguée... etc". C'est du chantage affectif.
Tous les médecins que je connais sont amenés à céder, pour tout un tas de raison. D'abord, on n'a pas envie, pas le temps de négocier des heures. La personne âgée est capable de nous harceler au téléphone tous les jours pour obtenir ce médicament. Ensuite, et surtout, le sevrage aux somnifères est long et pénible. C’est une toxicomanie forte. Or je ne peux pas imposer à une dame de 85 ans un sevrage qui prendra des mois. Je ne peux pas la contraindre à ce point dans sa vie.
On finit par céder... et tricher
Alors on triche. Le somnifère est dangereux donc il est prescriptible sur un mois. Comme je n'ai pas du tout le temps ni l’envie de voir ces personnes âgées tous les mois, je fais des ordonnances anti-datées, comme tant d'autres médecins.
Autre bidouillage : au lieu de prescrire 1/2 comprimé à prendre pendant un mois, je prescris deux comprimés. Comme ça, la personne peut en acheter plus d'un coup. Les patients connaissent bien leurs médicaments, ils les prennent depuis des années donc il y a très peu de risques qu'ils se trompent de dosage.
Je sais que ce n'est pas bien, et bien sûr je culpabilise mais face au chantage affectif que ces patients exercent sur nous, on ne peut que céder. Tous les médecins le font.
La vraie solution, ce n'est de jamais initier un traitement de somnifères chez les personnes âgées. Jamais. Cela fait au moins 10 ans que je n'initie plus de traitement de ce type, pour éviter justement de tomber dans ce genre de situation.
Les pathologies liées au vieillissement, qui sont donc incurables, sont difficiles à gérer. On peut difficilement dire à un patient : "Ecoutez, vous êtes vieux, c'est comme ça". Alors parfois on enrobe et on prescrit des médicaments inutiles, des placebos. Mais ça reste quand même rare.
Les médicaments rassurent les patients
Si je cède dans des cas très précis face à des personnes âgées, je reste en revanche toujours très ferme face à un patient qui arrive avec une liste de médicaments qu’il veut que je lui prescrive, alors qu’il n’en a pas besoin. Il arrive alors que ces patients me menacent, me disant qu'ils vont changer de médecin. Eh bien qu'ils changent !
Les médicaments rassurent. Certains patients veulent absolument une ordonnance. S'ils quittent mon cabinet sans une liste de médicaments, ils me laissent entendre que ce n'était pas la peine de venir et de payer.
Quand le patient devient consommateur face au médecin (Echevin)
Ces patients sont toutefois une minorité. Ce sont des gens que je ne vois pas très souvent, il n'y a pas de relation de confiance entre nous. En fait, ils se comportent comme des consommateurs : ils vont chez le médecin comme ils iraient au BHV du coin acheter un marteau.
D'une manière générale, il faut de toutes façons garder en tête que tous les médicaments sont dangereux car ils ont tous des effets secondaires.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/625328-medicaments-dangereux-certains-de-mes-patients-ages-sont-devenus-accros-aux-somniferes.html
LE PLUS. 50 % des médicaments sont inutiles, 20 % mal tolérés et 5 % "potentiellement très dangereux" : c'est le constat accablant dressé par les Pr Even et Debré. Dans certains cas, le médicament, comme les somnifères, peuvent entraîner une toxicomanie. Comment gérer ces cas délicats ? Explications avec Doc O, médecin généraliste
Les somnifères, un médicament qui peut se révéler dangereux chez les personnes âgées
SANTÉ. En matière de médicament inutile et dangereux, les somnifères peuvent poser de graves problèmes. Ce médicament favorise les chutes et pour une personne âgée, ça peut être catastrophique, avec des fractures du col du fémur par exemple.
De la toxicomanie au chantage affectif
Or les somnifères peuvent entrainer une dépendance chez les personnes âgées. A l'hôpital, pour ne pas déranger le personnel la nuit, on en donne aux personnes âgées, qui deviennent accros. Et là, ça devient très difficile de refuser ce médicament qu'elles viennent réclamer à leur médecin traitant.
Quand une vieille dame m'en demande (parce qu'en général ce sont des femmes), je commence par refuser mais elle proteste. "Vous comprenez docteur, je ne dors pas la nuit... Je ne pourrai pas voir ma fille car je serai fatiguée... etc". C'est du chantage affectif.
Tous les médecins que je connais sont amenés à céder, pour tout un tas de raison. D'abord, on n'a pas envie, pas le temps de négocier des heures. La personne âgée est capable de nous harceler au téléphone tous les jours pour obtenir ce médicament. Ensuite, et surtout, le sevrage aux somnifères est long et pénible. C’est une toxicomanie forte. Or je ne peux pas imposer à une dame de 85 ans un sevrage qui prendra des mois. Je ne peux pas la contraindre à ce point dans sa vie.
On finit par céder... et tricher
Alors on triche. Le somnifère est dangereux donc il est prescriptible sur un mois. Comme je n'ai pas du tout le temps ni l’envie de voir ces personnes âgées tous les mois, je fais des ordonnances anti-datées, comme tant d'autres médecins.
Autre bidouillage : au lieu de prescrire 1/2 comprimé à prendre pendant un mois, je prescris deux comprimés. Comme ça, la personne peut en acheter plus d'un coup. Les patients connaissent bien leurs médicaments, ils les prennent depuis des années donc il y a très peu de risques qu'ils se trompent de dosage.
Je sais que ce n'est pas bien, et bien sûr je culpabilise mais face au chantage affectif que ces patients exercent sur nous, on ne peut que céder. Tous les médecins le font.
La vraie solution, ce n'est de jamais initier un traitement de somnifères chez les personnes âgées. Jamais. Cela fait au moins 10 ans que je n'initie plus de traitement de ce type, pour éviter justement de tomber dans ce genre de situation.
Les pathologies liées au vieillissement, qui sont donc incurables, sont difficiles à gérer. On peut difficilement dire à un patient : "Ecoutez, vous êtes vieux, c'est comme ça". Alors parfois on enrobe et on prescrit des médicaments inutiles, des placebos. Mais ça reste quand même rare.
Les médicaments rassurent les patients
Si je cède dans des cas très précis face à des personnes âgées, je reste en revanche toujours très ferme face à un patient qui arrive avec une liste de médicaments qu’il veut que je lui prescrive, alors qu’il n’en a pas besoin. Il arrive alors que ces patients me menacent, me disant qu'ils vont changer de médecin. Eh bien qu'ils changent !
Les médicaments rassurent. Certains patients veulent absolument une ordonnance. S'ils quittent mon cabinet sans une liste de médicaments, ils me laissent entendre que ce n'était pas la peine de venir et de payer.
Quand le patient devient consommateur face au médecin (Echevin)
Ces patients sont toutefois une minorité. Ce sont des gens que je ne vois pas très souvent, il n'y a pas de relation de confiance entre nous. En fait, ils se comportent comme des consommateurs : ils vont chez le médecin comme ils iraient au BHV du coin acheter un marteau.
D'une manière générale, il faut de toutes façons garder en tête que tous les médicaments sont dangereux car ils ont tous des effets secondaires.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/625328-medicaments-dangereux-certains-de-mes-patients-ages-sont-devenus-accros-aux-somniferes.html