Article Challenge du 26/09/2012
Pris de vitesse par Apple et Samsung, qui accaparent aujourd’hui la moitié du business mondial, le canadien RIM, inventeur du BlackBerry, s'apprête à livrer une bataille décisive.
Thorsten Heins, le DG de RIM (BlackBerry) (SIPA)
A voir Thorsten Heins bondir du canapé pour déplier sa longue carcasse de près de 2 mètres et tendre sa grande paluche, une image vient spontanément à l’esprit: sur un terrain de basket, ce type ferait un malheur. Mais cet Allemand de 52 ans au visage toujours juvénile est engagé dans un tout autre style de compétition: la bagarre pour le leadership sur le marché des smartphones.
Pris de vitesse depuis plus d’un an par Apple et Samsung, qui accaparent aujourd’hui la moitié du business mondial, le canadien RIM, inventeur du BlackBerry, est à la veille de livrer une bataille décisive. Thorsten Heins, devenu directeur général du groupe en janvier dernier, a sillonné la planète ces dernières semaines pour compter ses alliés parmi les opérateurs de télécoms. En avant-première du lancement prévu début 2013, il leur a présenté le nouveau look du BlackBerry, paré d’un système d’exploitation entièrement repensé. "L’un d’eux ne trouvait pas ses mots, raconte-t-il. Il me répétait: 'C’est spectaculaire! Je suis stupéfait!'." Mais peut-être cet opérateur a-t-il simplement voulu se montrer poli? "Non! Ces gens-là ne sont pas comme ça, ils disent ce qu’ils pensent. Surtout en France."
Avant RIM, Thorsten Heins avait construit sa carrière chez Siemens, au sein de la division téléphonie cellulaire. "Vingt-sept ans d’expérience dans le mobile… J’ai dirigé des équipes beaucoup plus grosses que celle de RIM", précise-t-il à ceux qui le croiraient novice. Et le boss allemand enfonce le clou: "Je ne suis pas un Samsung qui veut faire un bel iPhone: je veux être BlackBerry. Je ne veux pas me contenter de franchir la ligne d’arrivée: je veux gagner." Deux banques d’affaires ont pourtant été mandatées pour étudier les options stratégiques. "Parce que nous sommes obligés de nous poser la question: 'Et si…?'", justifie-t-il.
La débâcle a été digérée
Thorsten Heins connaît tout de l’industrie du mobile: les balbutiements dans les années 1980, le passage de l’analogique au numérique, le phénomène smartphone… Il a rejoint le groupe canadien en 2007, l’année de lancement du premier iPhone. "Jusqu’en 2011, notre principale préoccupation était de gérer la croissance mondiale: en quatre ans, notre chiffre d’affaires est passé de 5 à 20 milliards de dollars", rappelle-t-il.
Mais le rouleau compresseur Apple a fini par venir à bout du fabricant de Waterloo (Ontario). Le patron de RIM analyse froidement cette débâcle: "La recette de notre succès reposait sur quatre ingrédients: la sécurité, la compression des données, l’autonomie des appareils et le clavier. Apple est arrivé, et nous n’aurions jamais imaginé que les gens accepteraient de recharger leur mobile plusieurs fois par jour, ou de perdre du temps à taper sur un clavier tactile." Mais c’est ce qui s’est passé. Et l’argument de la compression des données, qui permet de désengorger les réseaux, est également tombé avec l’avènement des réseaux 4G à très haut débit aux Etats-Unis.
"Le souci des opérateurs, désormais, est au contraire de remplir les tuyaux", explique-t-il. RIM a de toute façon raté le rendez-vous de la 4G aux Etats-Unis. Thorsten Heins le reconnaît sans ambages: "Nous n’étions pas prêts, la marque a perdu en exposition, et le bouche-à-oreille qui nous a tellement servis dans le passé n’a plus fonctionné."
Les BlackBerry continueront à mettre en avant leur fiabilité
Le quatrième argument, celui de la sécurité, a aussi été mis à mal il y a un an par une énorme panne, qui a empêché les utilisateurs de BlackBerry d’échanger par courriels durant plusieurs jours. Une énorme pression et deux nuits sans sommeil. "Le composant d’un fournisseur était défectueux. Nous avions le choix entre redémarrer le système et perdre des millions de messages, ou réparer et sauver les mails. Nous avons choisi la seconde solution", explique-t-il, ajoutant que le réseau est à présent "à 99,999999 % fiable!".
Une nouvelle panne est venue fragiliser cette assertion quelques jours plus tard. Pourtant, Thorsten Heins maintient le cap: certes, les parts de marché dégringolent, mais les utilisateurs augmentent. Ils sont 78 millions dans le monde, tous susceptibles de craquer pour les deux nouveaux appareils qui sortiront dans quelques mois. "Ce que nous lançons aujourd’hui a été mis sur les rails il y a dix-huit mois", insiste le CEO de RIM. Le nouveau système d’exploitation BlackBerry 10 a été conçu à partir du programme développé par la société canadienne QNX, rachetée en 2010.
"Pour faire évoluer notre terminal, nous nous sommes tournés vers notre base d’utilisateurs, dit-il. La demande pour un appareil entièrement tactile est apparue incontournable." Le consommateur aura désormais le choix entre tactile et clavier sur toute la gamme. Le célèbre clavier du BlackBerry, une invention bardée de brevets qui avait ébouriffé des générations de cadres, n’est plus un must. Les ingénieurs de RIM ont finalement digéré cette infamie.
http://www.challenges.fr/high-tech/20120926.CHA1237/thorsten-heins-refera-t-il-du-blackberry-de-rim-un-vrai-rival-de-l-iphone-d-apple-et-du-galaxy-de-samsung.html
Pris de vitesse par Apple et Samsung, qui accaparent aujourd’hui la moitié du business mondial, le canadien RIM, inventeur du BlackBerry, s'apprête à livrer une bataille décisive.
Thorsten Heins, le DG de RIM (BlackBerry) (SIPA)
A voir Thorsten Heins bondir du canapé pour déplier sa longue carcasse de près de 2 mètres et tendre sa grande paluche, une image vient spontanément à l’esprit: sur un terrain de basket, ce type ferait un malheur. Mais cet Allemand de 52 ans au visage toujours juvénile est engagé dans un tout autre style de compétition: la bagarre pour le leadership sur le marché des smartphones.
Pris de vitesse depuis plus d’un an par Apple et Samsung, qui accaparent aujourd’hui la moitié du business mondial, le canadien RIM, inventeur du BlackBerry, est à la veille de livrer une bataille décisive. Thorsten Heins, devenu directeur général du groupe en janvier dernier, a sillonné la planète ces dernières semaines pour compter ses alliés parmi les opérateurs de télécoms. En avant-première du lancement prévu début 2013, il leur a présenté le nouveau look du BlackBerry, paré d’un système d’exploitation entièrement repensé. "L’un d’eux ne trouvait pas ses mots, raconte-t-il. Il me répétait: 'C’est spectaculaire! Je suis stupéfait!'." Mais peut-être cet opérateur a-t-il simplement voulu se montrer poli? "Non! Ces gens-là ne sont pas comme ça, ils disent ce qu’ils pensent. Surtout en France."
Avant RIM, Thorsten Heins avait construit sa carrière chez Siemens, au sein de la division téléphonie cellulaire. "Vingt-sept ans d’expérience dans le mobile… J’ai dirigé des équipes beaucoup plus grosses que celle de RIM", précise-t-il à ceux qui le croiraient novice. Et le boss allemand enfonce le clou: "Je ne suis pas un Samsung qui veut faire un bel iPhone: je veux être BlackBerry. Je ne veux pas me contenter de franchir la ligne d’arrivée: je veux gagner." Deux banques d’affaires ont pourtant été mandatées pour étudier les options stratégiques. "Parce que nous sommes obligés de nous poser la question: 'Et si…?'", justifie-t-il.
La débâcle a été digérée
Thorsten Heins connaît tout de l’industrie du mobile: les balbutiements dans les années 1980, le passage de l’analogique au numérique, le phénomène smartphone… Il a rejoint le groupe canadien en 2007, l’année de lancement du premier iPhone. "Jusqu’en 2011, notre principale préoccupation était de gérer la croissance mondiale: en quatre ans, notre chiffre d’affaires est passé de 5 à 20 milliards de dollars", rappelle-t-il.
Mais le rouleau compresseur Apple a fini par venir à bout du fabricant de Waterloo (Ontario). Le patron de RIM analyse froidement cette débâcle: "La recette de notre succès reposait sur quatre ingrédients: la sécurité, la compression des données, l’autonomie des appareils et le clavier. Apple est arrivé, et nous n’aurions jamais imaginé que les gens accepteraient de recharger leur mobile plusieurs fois par jour, ou de perdre du temps à taper sur un clavier tactile." Mais c’est ce qui s’est passé. Et l’argument de la compression des données, qui permet de désengorger les réseaux, est également tombé avec l’avènement des réseaux 4G à très haut débit aux Etats-Unis.
"Le souci des opérateurs, désormais, est au contraire de remplir les tuyaux", explique-t-il. RIM a de toute façon raté le rendez-vous de la 4G aux Etats-Unis. Thorsten Heins le reconnaît sans ambages: "Nous n’étions pas prêts, la marque a perdu en exposition, et le bouche-à-oreille qui nous a tellement servis dans le passé n’a plus fonctionné."
Les BlackBerry continueront à mettre en avant leur fiabilité
Le quatrième argument, celui de la sécurité, a aussi été mis à mal il y a un an par une énorme panne, qui a empêché les utilisateurs de BlackBerry d’échanger par courriels durant plusieurs jours. Une énorme pression et deux nuits sans sommeil. "Le composant d’un fournisseur était défectueux. Nous avions le choix entre redémarrer le système et perdre des millions de messages, ou réparer et sauver les mails. Nous avons choisi la seconde solution", explique-t-il, ajoutant que le réseau est à présent "à 99,999999 % fiable!".
Une nouvelle panne est venue fragiliser cette assertion quelques jours plus tard. Pourtant, Thorsten Heins maintient le cap: certes, les parts de marché dégringolent, mais les utilisateurs augmentent. Ils sont 78 millions dans le monde, tous susceptibles de craquer pour les deux nouveaux appareils qui sortiront dans quelques mois. "Ce que nous lançons aujourd’hui a été mis sur les rails il y a dix-huit mois", insiste le CEO de RIM. Le nouveau système d’exploitation BlackBerry 10 a été conçu à partir du programme développé par la société canadienne QNX, rachetée en 2010.
"Pour faire évoluer notre terminal, nous nous sommes tournés vers notre base d’utilisateurs, dit-il. La demande pour un appareil entièrement tactile est apparue incontournable." Le consommateur aura désormais le choix entre tactile et clavier sur toute la gamme. Le célèbre clavier du BlackBerry, une invention bardée de brevets qui avait ébouriffé des générations de cadres, n’est plus un must. Les ingénieurs de RIM ont finalement digéré cette infamie.
http://www.challenges.fr/high-tech/20120926.CHA1237/thorsten-heins-refera-t-il-du-blackberry-de-rim-un-vrai-rival-de-l-iphone-d-apple-et-du-galaxy-de-samsung.html