Article L'Expansion
http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/audiovisuel-et-internet-les-6-dossiers-chauds-qui-attendent-le-csa_388214.html#xtor=RSS-128
C'est le CSA qui va s'y coller, et il lui faudra bien du courage. A la croisée des acteurs de l'audiovisuel et de l'internet s'accumulent une somme de problématiques toutes plus complexes à résoudre les unes que les autres. Trouver un équilibre économique cohérent sera une gageure.
Olivier Schrameck, le président du CSA, et la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, aux Assises de l'audiovisuel.
Bienheureux CSA, récipiendaire d'une régulation new age de l'internet. Il ne manquera pas d'occupations. Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, Olivier Schrameck, a souligné lors des Assises de l'audiovisuel ce mercredi, organisées par le ministère de la Culture, la "nécessité de placer internet au coeur de la régulation de l'audiovisuel". Et bien que le ministère se défende de vouloir faire du web un sous-ensemble de l'audiovisuel, à en croire les autres intervenants d'une table ronde consacrée à "la régulation de l'audiovisuel à l'heure d'internet", il s'agit plutôt, pour ce secteur, de réguler internet à la mode de l'audiovisuel. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce ne sera pas une sinécure.
En effet, le panel (composé de producteurs, de chaînes et d'acteurs de l'internet et des télécoms) a égrené un catalogue de doléances à faire pâlir n'importe quel énarque. On a eu les thèses, les antithèses, quant à la synthèse, bon courage, il y a peu de chance qu'elle voie le jour en 2014, date à laquelle Aurélie Filippetti a prévu une "deuxième loi de l'audiovisuel", le temps d'organiser "débats, concertations et expertises".
Voilà un aperçu des problématiques qui vont bientôt atterrir sur le bureau du CSA :
1. L'avenir de la bande de fréquences 700 MHz
Aurélie Filippetti voulait que le CSA travaille de plus en plus avec l'Arcep, voici un premier sujet tout tracé. François Hollande a décidé du jour au lendemain d'attribuer une partie des fréquences de la télévision hertzienne dans la bande des 700 MHz aux opérateurs télécoms pour la 4G, dans le but de récolter quelque 3 milliards d'euros en les vendant aux enchères. Les chaînes sont contre car elles font valoir que cela les empêchera de développer la TNT HD, ce qui leur apparaît vital. Dans une interview accordée à Libération, Aurélie Filippetti lâche que les opérateurs ne semblent pas demandeurs de ces fréquences. Faux, a répondu Maxime Lombardini, le directeur général de Free. Elles sont tout à fait valorisables, et d'ailleurs elles sont attribuées aux télécoms dans de nombreux pays. Sur ce sujet, une mission d'expertise rendra ses conclusions mi-septembre, indique Aurélie Filippetti.
2. L'équité fiscale entre les acteurs historiques et les nouveaux entrants
Contre le scandale de l'optimisation fiscale des acteurs comme Google, Facebook, Amazon et Apple, on entendait surtout crier les opérateurs télécoms et les sites internet. Mais les chaînes aussi sont dans la boucle. Notamment quand il s'agit de faire contribuer ces géants au financement de la création. En effet, alors que les services de VOD, SVOD et de télévision de rattrapage sont concernés par des obligations de production et de quotas, les services qui sont sous le statut d'hébergeur (comme YouTube) n'y sont pas soumis. Derrière ces questions de fiscalité, c'est donc plus largement le régime juridique applicable à ces acteurs qui est en jeu.
Alexandra Laferrière, la directrice des relations institutionnelles de Google, est prête à défendre bec et ongles son statut d'hébergeur. "Nous sommes une plateforme communautaire. C'est vrai que de plus en plus nous hébergeons des contenus professionnels, mais la part des vidéos d'amateurs n'a pas diminué", a-t-elle expliqué, alors que YouTube est en train de se lancer dans les chaînes payantes.
3. La redevance
Elle finance en partie la télévision publique, dont les dotations baissent et les finances sont en dangereuse posture. Aurélie Filippetti a lancé un groupe de travail parlementaire sur les recettes de la publicité et de la redevance, sujet des plus épineux car l'augmentation de la redevance est très impopulaire. L'idée serait d'examiner la faisabilité d'une redevance qui toucherait... tout le monde. Chez Arte, Anne Durupty vante le modèle allemand : "En Allemagne, la redevance c'est 215 euros, qu'on aie la télé ou pas, car ils considèrent que tout foyer peut désormais accéder à l'audiovisuel public grâce à la multiplication des plateformes : smartphones, tablettes, PC, etc." Appliquer la redevance aux PC pourrait aussi revenir sur le tapis pour la énième fois.
4. La norme HbbTV
Il s'agit d'une norme européenne de télévision interactive, qui permet aux chaînes d'avoir la maîtrise totale de leur flux interactif (y compris tout ce qui est publicitaire), c'est-à-dire sans passer par l'intermédiaire de la box ADSL, du système du constructeur de télé connectée, ou d'une autre box type Xbox, etc. Les chaînes accusent les fournisseurs d'accès de filtrer ces flux.
5. La chronologie des médias
Un gros morceau. Il s'agit de la loi qui régit les dates à partir desquelles les films peuvent être diffusés sur les différents canaux, à partir de leur sortie en salle (sur les chaînes payantes, en VOD, sur les chaînes gratuites, en SVOD...). Pour résumer, l'objectif est de modifier le système pour rendre l'offre plus attractive sur internet (faire sortir les films plus tôt en VOD et en SVOD), tout en préservant l'équilibre économique du financement du cinéma. Les plateformes web veulent avancer les dates, les chaînes qui contribuent au financement (notamment Canal+) veulent préserver leurs fenêtres d'exclusivité.
6. La réglementation sur la publicité
Les revenus publicitaires de l'audiovisuel étant en recul, ils font l'objet d'une bataille acharnée. Pour ce qui touche au web, la question porte sur la "publicité clandestine" qui se déporte sur les services de vidéo en ligne et les TV connectées, et sur les projets de taxation qui visent notamment la télévision de rattrapage. "Il faut homogénéiser la régulation en mettant l'ensemble des acteurs qui proposent du contenu audiovisuel sur un pied d'égalité", demande Endemol. "Il est probable qu'on ait besoin d'un arbitre dans certains cas, mais on rentre très vite dans une technicité extrêmement poussée", poursuit Nicolas Coppermann, président de la société de production, qui n'est pas certain que le CSA ait les compétences nécessaires.
Régulation versus réglementation
Par rapport à tous ces sujets, Olivier Schrameck a tenu à rassurer les acteurs de l'internet en affirmant que régulation ne signifiait pas forcément réglementation, et qu'il s'agissait avant tout de "faire valoir des fondamentaux", en fixant "des garanties, des repères, des buts". Il a renouvelé sa volonté de privilégier des "formes conventionnelles et souples" de régulation, tenant compte à la fois "des aspirations libertaires et des contraintes économiques" du web. "Il faut éviter deux écueils, a-t-il expliqué. Vouloir plaquer à l'identique la régulation conçue dans un environnement où la télévision hertzienne linéaire était dominante, et laisser se développer une régulation à deux vitesses qui favoriserait le numérique".
Mais cette priorité au conventionnement ne sera pas facile à concrétiser, comme l'a exprimé Marc Tessier, administrateur de Videofutur et ancien président de France Télévisions. "Je ne suis pas sûr qu'il faille fonder l'exception culturelle sur les engagements volontaires des opérateurs internationaux", a-t-il déclaré, ajoutant que "la plupart des solutions ne peuvent se concevoir que dans le cadre européen" et que "le conventionnement peut s'appliquer à quelques grands acteurs en situation d'arbitrage mais ce n'est pas la panacée".
On pourrait aussi résumer ce qui attend le CSA par la remarque d'Anne Durupty, d'Arte : "A chaque fois on en rajoute un peu, il faudrait se demander si à la fin le CSA va pouvoir contrôler tout ça".
Il faudra enfin compter avec les difficultés de coordination de tous ces dossiers, dont un certain nombre sont à cheval entre les différents ministères, Culture, Economie et Numérique.
http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/audiovisuel-et-internet-les-6-dossiers-chauds-qui-attendent-le-csa_388214.html#xtor=RSS-128
C'est le CSA qui va s'y coller, et il lui faudra bien du courage. A la croisée des acteurs de l'audiovisuel et de l'internet s'accumulent une somme de problématiques toutes plus complexes à résoudre les unes que les autres. Trouver un équilibre économique cohérent sera une gageure.
Olivier Schrameck, le président du CSA, et la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, aux Assises de l'audiovisuel.
Bienheureux CSA, récipiendaire d'une régulation new age de l'internet. Il ne manquera pas d'occupations. Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, Olivier Schrameck, a souligné lors des Assises de l'audiovisuel ce mercredi, organisées par le ministère de la Culture, la "nécessité de placer internet au coeur de la régulation de l'audiovisuel". Et bien que le ministère se défende de vouloir faire du web un sous-ensemble de l'audiovisuel, à en croire les autres intervenants d'une table ronde consacrée à "la régulation de l'audiovisuel à l'heure d'internet", il s'agit plutôt, pour ce secteur, de réguler internet à la mode de l'audiovisuel. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce ne sera pas une sinécure.
En effet, le panel (composé de producteurs, de chaînes et d'acteurs de l'internet et des télécoms) a égrené un catalogue de doléances à faire pâlir n'importe quel énarque. On a eu les thèses, les antithèses, quant à la synthèse, bon courage, il y a peu de chance qu'elle voie le jour en 2014, date à laquelle Aurélie Filippetti a prévu une "deuxième loi de l'audiovisuel", le temps d'organiser "débats, concertations et expertises".
Voilà un aperçu des problématiques qui vont bientôt atterrir sur le bureau du CSA :
1. L'avenir de la bande de fréquences 700 MHz
Aurélie Filippetti voulait que le CSA travaille de plus en plus avec l'Arcep, voici un premier sujet tout tracé. François Hollande a décidé du jour au lendemain d'attribuer une partie des fréquences de la télévision hertzienne dans la bande des 700 MHz aux opérateurs télécoms pour la 4G, dans le but de récolter quelque 3 milliards d'euros en les vendant aux enchères. Les chaînes sont contre car elles font valoir que cela les empêchera de développer la TNT HD, ce qui leur apparaît vital. Dans une interview accordée à Libération, Aurélie Filippetti lâche que les opérateurs ne semblent pas demandeurs de ces fréquences. Faux, a répondu Maxime Lombardini, le directeur général de Free. Elles sont tout à fait valorisables, et d'ailleurs elles sont attribuées aux télécoms dans de nombreux pays. Sur ce sujet, une mission d'expertise rendra ses conclusions mi-septembre, indique Aurélie Filippetti.
2. L'équité fiscale entre les acteurs historiques et les nouveaux entrants
Contre le scandale de l'optimisation fiscale des acteurs comme Google, Facebook, Amazon et Apple, on entendait surtout crier les opérateurs télécoms et les sites internet. Mais les chaînes aussi sont dans la boucle. Notamment quand il s'agit de faire contribuer ces géants au financement de la création. En effet, alors que les services de VOD, SVOD et de télévision de rattrapage sont concernés par des obligations de production et de quotas, les services qui sont sous le statut d'hébergeur (comme YouTube) n'y sont pas soumis. Derrière ces questions de fiscalité, c'est donc plus largement le régime juridique applicable à ces acteurs qui est en jeu.
Alexandra Laferrière, la directrice des relations institutionnelles de Google, est prête à défendre bec et ongles son statut d'hébergeur. "Nous sommes une plateforme communautaire. C'est vrai que de plus en plus nous hébergeons des contenus professionnels, mais la part des vidéos d'amateurs n'a pas diminué", a-t-elle expliqué, alors que YouTube est en train de se lancer dans les chaînes payantes.
3. La redevance
Elle finance en partie la télévision publique, dont les dotations baissent et les finances sont en dangereuse posture. Aurélie Filippetti a lancé un groupe de travail parlementaire sur les recettes de la publicité et de la redevance, sujet des plus épineux car l'augmentation de la redevance est très impopulaire. L'idée serait d'examiner la faisabilité d'une redevance qui toucherait... tout le monde. Chez Arte, Anne Durupty vante le modèle allemand : "En Allemagne, la redevance c'est 215 euros, qu'on aie la télé ou pas, car ils considèrent que tout foyer peut désormais accéder à l'audiovisuel public grâce à la multiplication des plateformes : smartphones, tablettes, PC, etc." Appliquer la redevance aux PC pourrait aussi revenir sur le tapis pour la énième fois.
4. La norme HbbTV
Il s'agit d'une norme européenne de télévision interactive, qui permet aux chaînes d'avoir la maîtrise totale de leur flux interactif (y compris tout ce qui est publicitaire), c'est-à-dire sans passer par l'intermédiaire de la box ADSL, du système du constructeur de télé connectée, ou d'une autre box type Xbox, etc. Les chaînes accusent les fournisseurs d'accès de filtrer ces flux.
5. La chronologie des médias
Un gros morceau. Il s'agit de la loi qui régit les dates à partir desquelles les films peuvent être diffusés sur les différents canaux, à partir de leur sortie en salle (sur les chaînes payantes, en VOD, sur les chaînes gratuites, en SVOD...). Pour résumer, l'objectif est de modifier le système pour rendre l'offre plus attractive sur internet (faire sortir les films plus tôt en VOD et en SVOD), tout en préservant l'équilibre économique du financement du cinéma. Les plateformes web veulent avancer les dates, les chaînes qui contribuent au financement (notamment Canal+) veulent préserver leurs fenêtres d'exclusivité.
6. La réglementation sur la publicité
Les revenus publicitaires de l'audiovisuel étant en recul, ils font l'objet d'une bataille acharnée. Pour ce qui touche au web, la question porte sur la "publicité clandestine" qui se déporte sur les services de vidéo en ligne et les TV connectées, et sur les projets de taxation qui visent notamment la télévision de rattrapage. "Il faut homogénéiser la régulation en mettant l'ensemble des acteurs qui proposent du contenu audiovisuel sur un pied d'égalité", demande Endemol. "Il est probable qu'on ait besoin d'un arbitre dans certains cas, mais on rentre très vite dans une technicité extrêmement poussée", poursuit Nicolas Coppermann, président de la société de production, qui n'est pas certain que le CSA ait les compétences nécessaires.
Régulation versus réglementation
Par rapport à tous ces sujets, Olivier Schrameck a tenu à rassurer les acteurs de l'internet en affirmant que régulation ne signifiait pas forcément réglementation, et qu'il s'agissait avant tout de "faire valoir des fondamentaux", en fixant "des garanties, des repères, des buts". Il a renouvelé sa volonté de privilégier des "formes conventionnelles et souples" de régulation, tenant compte à la fois "des aspirations libertaires et des contraintes économiques" du web. "Il faut éviter deux écueils, a-t-il expliqué. Vouloir plaquer à l'identique la régulation conçue dans un environnement où la télévision hertzienne linéaire était dominante, et laisser se développer une régulation à deux vitesses qui favoriserait le numérique".
Mais cette priorité au conventionnement ne sera pas facile à concrétiser, comme l'a exprimé Marc Tessier, administrateur de Videofutur et ancien président de France Télévisions. "Je ne suis pas sûr qu'il faille fonder l'exception culturelle sur les engagements volontaires des opérateurs internationaux", a-t-il déclaré, ajoutant que "la plupart des solutions ne peuvent se concevoir que dans le cadre européen" et que "le conventionnement peut s'appliquer à quelques grands acteurs en situation d'arbitrage mais ce n'est pas la panacée".
On pourrait aussi résumer ce qui attend le CSA par la remarque d'Anne Durupty, d'Arte : "A chaque fois on en rajoute un peu, il faudrait se demander si à la fin le CSA va pouvoir contrôler tout ça".
Il faudra enfin compter avec les difficultés de coordination de tous ces dossiers, dont un certain nombre sont à cheval entre les différents ministères, Culture, Economie et Numérique.